Thael Boost et Antoine Faure sont blogeurs littéraires. Thael vient de publier son premier roman, "La mère à côté" (éditions Anne Carrière), Antoine peine depuis plus de vingt ans à entamer le sien. Ils partagent passion du livre et du cinéma, et cultivent l'art des copains qui se retrouvent dans les bistrots de la Porte de Saint-Cloud, et ce soir d'été, plus précisément, au Cardinal...
Thael Boost
Parution : La mère à côté
(Anne Carrière)
C'est le plein été, les journées longues, les soirées plus longues encore, les Parisiens prennent le frais à partir de 20h aux terrasses prises d'assaut. Thael et Antoine sont organisés. Rôdés. On sent la discrète habitude des rendez-vous de copains dans ce quartier plus renommé pour les embouts' que pour les festivités. Antoine, lui, a traversé tout Paris ; on l'imagine pensif dans le métro, préparant ses fameuses punchlines, dont on raffole sans trop l'avouer dans 130livres, son blog exigeant et taquin, plutôt enlevé, sur les livres mais encore la boxe !
Il lui faut donc de la résilience pour rejoindre sa consoeur Thael, une autochtone des portes du XVIème, elle, c'est-à-dire une habituée de tous ces bistrots d'angle (ou pas) qui ne varient guère d'un siècle à l'autre. Thael tient aussi un blog, ou plutôt tenait, puisque depuis le printemps, elle est toute à la publication de son premier roman, "La mère à côté", chez Anne Carrière. C'est une grande fille brune, cash, relax dans son quartier où elle capture souvent les grands ciels changeants d'Île de France, partagée entre ce Paris immuable et la Baie des Anges, nippée très bon goût quand Antoine opte pour le casual juillet-chemise de jean ouverte (séyant, évidemment). Comme toujours, avec un premier roman (et même très longtemps encore après), Thael attend les premiers "papiers". Elle ne sera pas déçue, tout l'été fleuriront les éloges de "La mère à côté", le récit de sa relation avec sa maman touchée par la maladie de l'oubli. Aussi, c'est Thael qui raconte sa mère, Rosy, qui ne peut plus le faire, course contre la mémoire qui s'en va, course pour la vie si prégnante, si présente, dans un hommage lumineux, liant hier, aujourd'hui, ce temps qui passe, ce temps qui vient. C'est un livre d'essentiel et de pudeur, de souvenirs et d'espérance, d'écriture élégante.
Ce soir de juillet, Thael a choisi la fausse nonchalance, Antoine, et une belle bande de copains tous aussi cinéphiles que passionnés de littérature pour célébrer un soir d'été avec un Minuty (évidemment rosé)...
Le Cardinal, les Trois Obus, le Minuty rosé, Florian et Antoine Faure, par Thael Boost
J’ai longtemps considéré le rosé comme un sous-vin mais avec le temps il est devenu ma madeleine de Proust, évoquant tout à la fois le retour des soirées entre ami.es qui n’en finissent pas de s’étendre (les soirées, pas les ami.es), ma maman dont c’était le petit plaisir avant qu’Alzheimer lui en fasse oublier le nom et la garantie d’une soirée animée aux débats plus passionnés les uns que les autres.
Je vote souvent pour La Porte de Saint-Cloud, d’une part parce que j’y habite et d’autre part parce que j’aime le contraste de ce quartier, mêlant Paris XVI et le Parc des Princes. Outre les 3 obus dont je raffole de la déco, j’aime tout particulièrement le Cardinal, institution au sens noble du terme, qui a su conserver le meilleur des brasseries parisiennes tout en rendant son cadre et son accueil chaleureux, j’en veux pour preuve notre charmant serveur Dorian, élu meilleur serveur de l’année par la table 11 (comme Onzième Sens) dont les plus tardifs de la soirée ont pu déguster le verre du patron, le meilleur…
Mais cet endroit n’aurait pas la même saveur si je n’étais pas très bien entourée !
À quoi je mesure mon amitié avec Antoine Faure ? Outre sa capacité à me faire lire des livres presque malgré moi au travers de son brillant blog @130livres, nos échanges toujours hautement improbables, ce qui les rend poétiques, nous partageons, je crois, un goût certain pour la dérision, comme un rempart face à l’absurdité de la vie.
À quoi je mesure son amitié pour moi ? À sa capacité à traverser tout Paris d’Est en Ouest pour venir boire un verre, certes de rosé Minuty, sans même savoir qui seront les autres convives si ce n’est notre cher Vincent Crouzet, qui, lui aussi, a parcouru Paris pour nous rejoindre.
Autour de ce rosé, il sera aussi bien question de nos mamans (On en revient toujours à la mère) des derniers livres qui nous ont passionnés en bons lecteurs insatiables que nous sommes, que de priapisme et de Transnistrie (essayez de prononcer ce mot après 1 verre de vin, vous m’en direz des nouvelles !).
La question essentielle qui est le plus revenue est : "Est-ce que l’on reprend une bouteille ?"
Avant de poser le débat : Faut-il nécessairement être nécrophile pour lire le roman éponyme de Gabrielle Wittkop ? (Une partie de la réponse se trouve ici : Le nécrophile, Gabrielle Wittkop –@130 livres).
Au cours de nos multiples rencontres, nous ne faisons qu’obéir à Charles qui nous intime du fond du XIXeme (siècle) : « Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise ».
Prosit, comme dirait ma maman !
Thael Boost
Thael, le domaine de Triennes, la banlieue de Rambouillet, Gérard de Villiers, Christian Jacq et l'ignoble Victor K., par Antoine Faure
Thael travaille, sort, se cultive et publie plus que moi. Elle s’est aussi infligé mes manuscrits, se montre étonnamment ouverte à mes suggestions musicales de sauvage et s’exprime sur un ton fort juste, jamais creux ni pesant, ce qu’atteste son livre. Après quoi on comprendra que je consente parfois à faire l’effort de me déplacer jusqu’à son quartier, situé non loin de Rambouillet. En ces contrées, on boit chic : le Minuty est une valeur refuge pour qui veut étancher sa soif de rosé sans trop passer pour un roturier. Tant mieux, d’ailleurs, puisqu’il est parfaitement buvable et tranche ainsi avec les prévisibles accidents de cubi des semaines qui suivront. Plus rare, mon péché mignon se trouve chez mon caviste et dans un bar à tapas biarrot que j’affectionne, propriété d’une ancienne gloire du XV de France : c’est le Triennes, produit par des sommités bourguignonnes à Nans-les-Pins, agréable village des Bouches-du-Rhône dont l’autre spécialité est la mise au vert des membres du milieu marseillais.
Ce soir-là, un fameux aréopage de gens de lettres – plumitifs, romanciers, prête-plumes, blogueurs, soiffards semi-professionnels – etc. s’était donc réuni en l’honneur de Victor K, arraché aux plateaux télé pour un peu de lever de coude dans une tiédeur parisienne encore supportable. Qu’ajouter à ce qui précède ? Que les stars des bibliothèques de locations estivales, Gérard de Villiers et Christian Jacq en tête, eurent droit aux hommages appuyés d’adolescents à peine blanchis. C’était presque les vacances, et éveille une même nostalgie vu de la rentrée littéraire.
Antoine Faure
On a évidemment repris une bouteille au Cardinal... De Minuty toujours, servi par Florian, attentif et convivial. Parce qu'on en a besoin lorsqu'Antoine Faure évoque Dracula, prince des ténèbres. Le garçon est complètement habité par Bram Stoker et sa créature.
Heureusement, le Minuty 2021 fait généreusement office de gousse d'ail, avec ses arômes de fruits blancs, et ses notes de groseilles mûres avant l'heure, délivrées dans la fraîcheur et l'équilibre du beau rosé tropézien qui éclaire la Porte de Saint-Cloud, exposée plein Ouest. Avec donc ce soleil dans les yeux qui peine à se coucher, comme Thael, Antoine, et leurs potes, qui ont fermé le Cardinal, ou presque, ce soir de juillet où il a été question de Nosferatu, des forêts noires des Carpates, de la presqu'île de Saint-Tropez, des illusions d'avant l'été, et de douce insouciance.
Le Cardinal / 5 place de la Porte de Saint-Cloud, 75016 Paris
Château Minuty / 2491 route de la Berle / 83580 Gassin / 04 94 56 12 09
Domaine de Triennes / 4669 RN560 83860 Nans-les-Pins / 04 94 78 91 46 / www.triennes.com
