L'évènement de notre mois de septembre. Pour la quatorzième année, Évelyne Philippe et Bernard Lecomte reçoivent cent écrivains dans l'écrin médiéval et Renaissance du Clos de Vougeot les 25 et 26 septembre prochain, pour un rendez-vous festif sous le signe de l'amitié. Le parfait accord de la littérature et des grands crus de Bourgogne.
Bernard Lecomte
Sa dernière parution :
KGB, la véritable histoire des services secrets soviétiques (Perrin)
©Bruno Klein
Le nez de Onzième Sens
Nul n'est précurseur, et surtout pas Onzième Sens. D'autres ont pensé marier vin et littérature bien avant nous. De grands salons se sont organisés autour de cette conjugaison hédoniste, lorsque le vin accompagne la culture, ou plutôt lorsque le vin fait partie intégrante de la culture. On pense aux Journées nationales du livre et du vin à Saumur (les 9 et 10 octobre prochains), et bien évidemment à Livres en Vignes, qui fête sa quatorzième édition les 25 et 26 septembre, dans un lieu exceptionnel, le château du Clos de Vougeot, "Saint-Siège des Climats", au coeur du vignoble de la Côte de Nuits. Livres en Vignes n'est pas qu'un salon, c'est d'abord le rendez-vous de l'amitié, lorsque Évelyne Philippe et Bernard Lecomte rassemblent les amoureux du vin, et de la tradition littéraire, sous l'égide de Jean-Robert Pitte, président perpétuel de l'évènement. Les fidèles reviennent sans trop se faire prier pour participer aux moments incontournables proposés : le dîner d'ouverture à Beaune dans la maison du négociant Albert Pichot, la "grande dictée" de Jean-Joseph Julaud, et le dîner de prestige, en tenue de soirée, animé par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, propriétaires du château. Cependant il n'est pas question de formalité pour cette fête des sens, mais surtout de rires et de complicités. L'an dernier, celui qui représentait tant cette châleur, l'écrivain et éditeur Denis Tillinac a été terrassé dans la nuit du vendredi au samedi, au coeur du salon, son départ si brusque marquant à jamais ce rendez-vous. Mais on laisse à Bernard Lecomte le soin d'évoquer son ami. Bernard, justement, donc. Lorsque décède un pape, ou à l'occasion du conclave en suivant, bien avant la fumée blanche, on entend irrésistiblement s'exprimer la voix grave de Bernard Lecomte, ancien journaliste de la Croix, de l'Express, du Figaro Magazine, incontestablement l'un des deux-trois vrais spécialistes français des religions. Mais Bernard n'est pas que "papologue" éminent. Ayant commencé sa carrière journalistique au journal Tintin, il est un écrivain qui, conservant le goût voyage du héros de Hergé, court le monde, et aime la Russie. La Russie éternelle, bien entendu. Cette passion ne date pas d'hier, on retrouve une première publication sur un sujet connexe en 1990 :"L'après communisme de l'Atlantique à l'Oural" (avec Jacques Lesourne / Robert Laffont). S'en suivront six autres opus sur la Russie, dont le dernier, "KGB, la véritable histoire des services secrets soviétiques" (Perrin), représente la bible qui manquait sur le service des maîtres du Kremlin. Les quarante-et-unes publications de Bernard s'appuient sur son tryptique Vatican-Russie-Bourgogne, un assemblage de spiritualité, de secrets, de terroir. Ce besoin de terroir qui le ramène toujours dans sa Bourgogne, et au Clos de Vougeot, où il se prépare, à cette heure, avec Évelyne, pour que la fête soit belle dans quelques heures, sous la présidence cette année de Jean-Paul Kauffmann qui a pourtant commencé à "voyager" à Bordeaux, mais trouve cette année la route de la Côte de Nuits. Belles journées les 25 et 26 septembre à vous toutes, à vous tous.
Évelyne et Bernard à Clos de Vougeot
Cinq questions à Bernard Lecomte, écrivain et journaliste, fondateur, avec son épouse Évelyne Philippe, de la fête littéraire Livres en Vignes dont la quatorzième édition se tient les 25 et 26 septembre au château du Clos de Vougeot.
C'est la quatorzième édition de Livres en Vignes. Comment en êtes-vous venus, avec Évelyne Philippe, ton épouse, à associer littérature et vin ?
L’idée était de créer un nouveau salon du livre après l’arrêt brutal du salon du livre de Dijon en 2007. Avec nos amis du Club des écrivains de Bourgogne, nous avons cherché un lieu emblématique dans la région : Paray-le-Monial ? Vézelay ? Ou… le château du Clos de Vougeot, à 20 minutes de Dijon ? Le choix fut vite fait. La thématique allait de soi, en ce lieu qui se dresse au milieu des « climats » les plus célèbres du monde : Chambertin, Echézeaux, Romanée-Conti, Musigny… Combien d’écrivains sont des amoureux du vin ! Combien ont écrit sur le vin ! La Confrérie des chevaliers du Tastevin, propriétaire de ce château mythique, était un partenaire rêvé pour monter un tel événement culturel. Étonne-toi que notre premier président, en 2009, ait été Bernard Pivot ! Et que notre « président d’honneur à vie » soit Jean-Robert Pitte, autre grand connaisseur des vins de Bourgogne !
Bernard Pivot, premier président de Livres en Vignes
Livres en Vignes est attaché à un lieu : le château du Clos de Vougeot. Que représente pour toi, écrivain-historien, ce site exceptionnel ?
Tu t’adresses, à l’évidence, à l’immortel auteur de La Bourgogne pour les Nuls, un livre qui restera dans l’histoire et que je ne saurais trop te recommander ! Le château du Clos de Vougeot est un bâtiment cistercien du XIIè siècle qui a traversé fièrement toute l’histoire de la Bourgogne et constitue un joyau de son patrimoine. Mais son histoire récente est aussi intéressante : après la crise de 1929, les viticulteurs du coin n’arrivaient plus à proposer leurs vins au monde entier, ils ont donc décidé de faire venir le monde entier dans leur cellier, pour goûter leurs vins sur place, au cours de fêtes somptuaires : ainsi est née la Confrérie des chevaliers du Tastevin, dont le folklore a été imité ensuite par tant et tant de confréries vineuses ou gastronomiques ! Nous-mêmes, à l’occasion du salon Livres en Vignes, nous avons « intronisé » quelques dizaines d’écrivains connus, à commencer par ceux qui ont présidé le salon : Jean-Christophe Rufin, Didier Van Cauwelaert, Luc Ferry, Dominique Bona, David Foenkinos, Danielle Sallenave et beaucoup d’autres. Étonne-toi que certains, la fête finie, reviennent parfois en catimini, au printemps, remplir discrètement leurs coffres de quelques « flacons » d’exception…
Jean-Christophe Rufin, fidèle de la fête
Peux-tu caractériser la force des vins de Bourgogne, et celle des cuvées du Clos de Vougeot en particulier ?
Je ne me risquerai pas à qualifier ces vins exceptionnels, y compris ceux que l’on déguste dans le cadre de Livres en Vignes : je ne suis qu’un petit amateur, comparé à tant de grands connaisseurs – à commencer par ma propre épouse, Évelyne Philippe, l’organisatrice du salon, qui est née dans les Maranges, en pleine Côte chalonnaise ! Je préfère te renvoyer à ces écrivains amis et journalistes passionnés qui sont devenus des piliers de Livres en Vignes. Tu les connais, ils s’appellent Laure Gasparotto, Jacques Dupont, Claude Chapuis, André Deyrieux, etc, etc !
Chaque salon du livre recèle des anecdotes, plus ou moins racontables d'ailleurs. Quelques souvenirs marquants ?
En quatorze ans, j’ai quelques souvenirs de bonnes rigolades, en effet ! Tel grand éditeur parisien qui, lors de son intronisation, s’est lancé dans un discours interminable et très sérieux qui s’est terminé dans une crise de rire générale ! Tels jeunes auteurs qui n’ont cessé, pendant les deux jours du salon, d’improviser de bruyants « bans bourguignons » jusqu’à plus soif ! Tel grand écrivain qui, après s’être perdu en arpentant les vignes alentour, a raté le début de la « Grande dictée » qu’il devait présider – heureusement que l’ami Jean-Joseph Julaud, qui anime chaque année ce grand moment de culture et de convivialité, était là pour le suppléer ! Quant aux anecdotes « plus ou moins racontables » dont tu parles, j’ai beau me remémorer toutes nos fins de banquet, notamment dans les caves de la Maison Albert Bichot, je ne vois vraiment pas à quoi tu fais allusion…
La grande dictée de Jean-Joseph Julaud
L'an dernier, Denis Tillinac, avec lequel tu étais très lié, décédait au cœur de la treizième édition de Livres en Vigne. On imagine que la figure de Tillinac restera toujours attachée à ce lieu, à ce moment, à cet évènement littéraire...
Ce fut un drame épouvantable, qui nous a tous bouleversés. Evelyne Philippe elle-même a été très choquée, le samedi matin, en apprenant la terrible nouvelle. Malgré tout, la fête a continué sans lui, comme il l’aurait évidemment souhaité. Denis était un ami merveilleux et un fidèle de Livres en Vignes : il n’avait pas manqué une édition en treize ans ! Mais nous, ses amis écrivains, ses copains de table, ses vieux potes, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il a eu une belle mort, au milieu des livres et des vignes qu’il aimait tant ! L’écrivain et journaliste Jean-Paul Kauffmann, qui était un de ses proches, lui rendra hommage lors de l’inauguration de cette quatorzième édition. Et nous penserons à lui très fort. Nul doute que dans le brouhaha des dédicaces, des débats et des dégustations, on entendra son rire magnifique retentir, parfois, entre les caisses de livres et derrière les tonneaux du grand cellier du château...
Denis Tillinac
Où ?
Château du Clos de Vougeot
Rue de la Montagne, 21640 Vougeot / Visites : 0380628609
On ne produit plus de vin au château de Clos de Vougeot, mais le clos appartient à 80 propriétaires voisins de la Côte de Nuits, et l'appellation Clos de Vougeot (ou Clos Vougeot) perdure très heureusement. Le grand expert cambridgien Hugh Johnson décèle dans ses vins "une vraie présence". C'est un condensé du meilleur de la Côte de Nuits, où le voisinage immédiat se nomme Musigny, Grands-Échezeaux, Vosne-Romanée... On traverse ces "Climats" en goûtant une lumière intense sur les côteaux, cette douceur trompeuse parce que le gel frappe parfois la vigne, comme cet intense épisode de début avril 2021. C'est curieux de revenir à l'hiver, souvent, en pensant à ces très grands vins suaves, de bouquets d'heureuses subtilités, quand la framboise effeuille la rose fanée, avant d'être conquise de réglisse et de sève accordés. Longueur moelleuse, ample. Ensuite, on peut s'allonger tout en haut des clos, en bord de clairière, se glisser un épis entre les dents, écouter le paysage offert, cet océan de vigne et d'espérances, ouvrir l'un des livres dédicacés dans les salles Renaissance du château, appeler sereinement l'automne, et finalement ne surtout pas attendre l'hiver pour déboucher un Clos de Vougeot...
Yorumlar