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Les vendanges de Madeline Roth avec "La Chochotte du Boulon"




Madeline Roth a retrouvé le goût des vendanges dans le vignoble du Luberon en ramassant le carignan de Doris Mossé, "La Chochotte du Boulon"


 
Livre Avant le Jour de Madeline Roth

Madeline Roth

Dernière parution : Avant le jour (La Fosse aux Ours)



 

Onzième Sens aime provoquer les rencontres, à la faveur des saisons. Début septembre, dans le Luberon, on "ramasse". Les vendanges commencent, entre deux orages, les vendanges se terminent aussi, comme ce lundi, lorsque Madeline Roth arrive sur la parcelle du Haut-Boulon...




La joie d'être ensemble, par Madeline Roth


Lorsque Vincent m’a proposé de faire une journée de vendanges, j’ai dit oui, pourquoi pas ? J’ai un souvenir très fort de mes dix-huit, puis vingt, puis vingt-deux ans, à Morgon, dans le beaujolais. Bien sûr, le mal de dos, mais les premiers jours seulement, après on n’y pense presque plus, les pauses du matin avec du saucisson, du pâté et du vin (le premier matin, on hésite, on reste au café, les jours suivants, on adopte le vin), mais surtout, la joie d’être ensemble dans les vignes, de chanter parfois (c’est là que j’ai entendu pour la première fois cette chanson qui deviendra l’une de mes préférées, "Je t’écris de la main gauche", chantée par Catherine Ribeiro).



Les vignes de Doris sont au pied du massif du Luberon, à Robion. Le site de Boulon doit son nom au ruisseau qui traverse les vignes. Le vignoble s’appelle "La Chochotte du Boulon", et quand vous demandez l’histoire du nom à Doris, elle raconte volontiers. Son mentor la surnommait ainsi, c’est resté. Il l’appelle aussi « la plus petite vigneronne du monde ». Le domaine fait seulement 5 hectares. Doris produit une soixantaine d’hectolitres.



Premiers moments entre Doris et Madeline


J’arrive le matin dans les vignes, tout le monde est déjà à pied d’œuvre. Une dizaine de personnes, deux femmes, trois avec moi. On travaille un rang à deux, ça évite de trop se contorsionner, ça évite surtout d’oublier des grappes. Par rapport au beaujolais, les vignes sont beaucoup plus hautes, on est plus souvent debout, même s’il faut se baisser, évidemment. Je terminerai avec quand même mal au dos… On avance. On plaisante. On discute. Pas de porteur ici, on amène les seaux au tracteur. Pas de serpette mais un sécateur. Le domaine est en bio depuis 2006. Le raisin que l’on ramasse s’appelle du carignan. Les grappes sont belles. Elles remplissent les paumes des mains.


Doris récupère les grappes de la matinée


À la pause, pas de vin, mais du café et des gâteaux. On change d’endroit. La dernière parcelle sera de la syrah. Il faut se baisser plus. Le dos accuse le coup. Les hommes viennent aider sur les rangs. Ils aident aussi à vider les seaux. Doris se change, elle met une robe de soirée. Elle promet, l’an prochain, ce sera mini-jupe et bas résilles. Je regarde le bout du rang qui semble s’éloigner en avançant. Il est plus de treize heures maintenant, il reste trois rangs. On vote pour déjeuner maintenant ou terminer avant. À l’unanimité, on décide de terminer. Les derniers ceps semblent être les plus durs. Je me fais piquer par quelque chose et c’est affreusement douloureux. Tout le monde y va de son conseil, frotter avec des plantes, se faire pipi dessus. Je choisis les plantes. La douleur restera vive un moment puis s’atténuera. Sans doute une abeille.




Les trois derniers rangs sont terminés. Quelqu’un bricole un bouquet pour Doris qui m’explique que c’est un peu une tradition, comme le bouquet de la mariée. On le suspendra à la maison jusqu’aux prochaines vendanges. On prend une photo de groupe. Barbara, la muse, déballe le pique-nique. Vincent a amené du vin du Ventoux, le Domaine du Grand Jacquet. On boit aussi le vin de Doris. Pour l’anniversaire de Rémi, on plante des mikado dans un gâteau au chocolat. Tout le monde sourit et c’est précieux. Cet après-midi, le raisin sera amené à Saint-Rémy de Provence pour le presser. Doris me dit que c’est très beau, les gestes du pressoir, elle me dit c’est un peu comme une chorégraphie, comme dans les vignes, il faut danser autour du raisin. Je ne lui dis pas mais je la trouve très belle, dans sa robe de soirée. Je présume qu’il en faut du courage, pour être vigneronne. J’aurais aimé parler plus du vin en lui-même, mais je n’y connais rien. Je suis ici en dilettante. Ce que je vois, ce que je vis, ce sont des gens tous ensemble qui œuvrent à quelque chose de beau. Je me perds un peu en rentrant chez moi. Pas grave. J’ai déjà en tête quelques mots que je coucherai ici. Je n’ai pas fait une journée, mais une matinée de vendanges. Je me plie en quatre pour entrer dans la baignoire sans trop souffrir, je coupe les ongles noircis par la vigne. C’est toujours beau, des gens ensemble et qui rient. Penser que le fruit de cette matinée sera bientôt en bouteilles, c’est plutôt une belle histoire.


Madeline Roth


Barbara et Doris



Le nez de Onzième Sens


Nous avions repéré Madeline par ses posts mélancoliques sur Facebook, une écriture de pleine déréliction, celle qui hante son roman "Avant le jour", publié à La Fosse aux Ours. La musique sobre, faussement nonchalante de Madeline a séduit Pierre-Jean Balzan, cet éditeur formidable, résilient, aux choix éditoriaux sûrs et ciselés. Aussi, nous sommes honorés de publier le texte d'une écrivaine de cette maison d'édition culte. Pour trouver une correspondance viticole aussi culte, on a pensé à Doris Mossé, "la Chochotte du Boulon", personnage virevoltant, se définissant comme "une petite fourmi" se faufilant entre les parcelles, au charisme chaleureux, à l'énergie folle, produisant une cuvée éponyme ("La Chochotte du Boulon") 100% carignan, évidemment bio, étincellante de fruits mûrs à souhait. Nous avons goûté la version 2018, délice festif, un vin de vrais copains un soir céleste, un rouge aussi de fin d'été tant cette fraîcheur se décline en pente douce sous les Perséides.




Parfois, lorsque l'on se promène au pied des grandes parois calcaires des cirques de Boulon et des rochers de Baude, le long de cette forteresse du massif du Luberon, et que l'on surprend Doris dans ses vignes, c'est si bon de se détourner pour capturer son sentiment, ses angoisses (de vigneronne), mais encore ses enthousiasmes (de vigneronne encore). Elle craint le retour du gel au printemps, la visite de sangliers étourdis, et les étés de feu, mais elle fait avec. Ses vénérables ceps de carignan, aussi, qui en ont subi des désastres climatiques, et s'apprêtent à résister pour nous délivrer l'envie de retrouvailles autour d'une bouteille de "la Chochotte". Cet enthousiasme donc, qui la transporte dans ses mondes à elle. Parce que l'on sent bien chez Doris cette fierté d'appartenir pleinement à cet écosystème miraculeux et lumineux de Boulon, lorsque les vignes écoutent parfois chanter la résurgence vauclusienne jaillie du massif.



On se bénit doublement d'avoir pensé à ce moment de vendanges, pour rencontrer aussi Barbara, sa "muse", avec laquelle elle partage d'autres joies, notamment littéraires et musicales. On a débouché d'autres bouteilles, au casse-croûte, et Doris et Barbara ont évoqué Yannick Haenel et Erik Truffaz, qui a donné son nom à une cuvée. Nous avons mangé et bu de bon coeur. Ça tombait bien, nous avions tous faim, Madeline aussi, discrète "ramasseuse" d'entre les rangs de la parcelle de Haut-Boulon, ne perdant rien des voix chantantes de ses camarades de matinée. Celle de Bastien Boutareaud, notamment, vigneron dans les Alpilles (La Ferme Viticole), partenaire de Doris, ancien sommelier, qui rend désormais à la terre ce qu'elle lui a donné. Les grappes ramassées cette matinée seront transportées à son pressoir à Saint-Rémy de Provence, où nous serons plus qu'heureux de lui rendre prochainement visite.


Doris et Bastien


Il faisait doux ce matin en cette fin d'été, pas tout à fait un regret encore. Les vendanges de Doris, "la Chochotte du Boulon", se terminent. Et comme un instantané, son bouquet reste suspendu dans le ciel de septembre. Merci à Marion, Morgan, Aurèle, Barbara, Rémy, Chantal, Bastien, Nathalie, Valère, Romain, Benoît, Madeline et Doris, compagnes et compagnons d'efforts et de rires.




Pour rencontrer Doris et goûter la "Chochotte du Boulon', quoi de mieux qu'une dégustation dans les vignes sous les crêtes du massif et le survol des choucas des tours ? De passage dans le Luberon ? Appelez de notre part Doris au 06 08 41 71 02 (et www.dorismosse.fr). Et si nous sommes libres nous nous joindrons volontiers à vous pour profiter d'une robe rubis, et des notes de caramel, d'épices, de thym accompagnées d'une profusion de cerises fraîches...






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